Jai juste besoin de toi entiere ou de rien Car si j'ai ça, je serai toujours sincere Bébé tu es la plus belle part de mes reves J'ai besoin de toi chérie J'ai besoin de te voir chérie Et les coeurs sont tous avec nous sur terre ce soirs J'ai dis que tous les coeurs étaients avec nous sur terre ce soir J'ai besoin de toi chérie (ooh !
SOUSLE CIEL, UN ETE COMME AUJOURD’HUI. ON ETAIT BIEN, LOIN DE TOUT, C’ETAIT ICI. OU J’AI PASSE L’HEURE LA PLUS DOUCE DE MA VIE. TES CHEVEUX ETAIENT POSES SUR MON COEUR. DANS TES YEUX, JE VOYAIS DES CHAMPS DE FLEURS. ET CHAQUE BAISER, BRULAIT MA PEAU, MES LEVRES. ET C’ETAIT L’HEURE LA PLUS DOUCE DE MA VIE.
Choisisle meilleur de la vie. La vie plus belle, sensationnelle. Souris ma souris, c'est du miel. Viens vite : Le bonheur t'appelle. T'es fan de base-ball : tu peux tout gagner. Ou jouer en bémol : tout ce qu'il faut c'est souffler. Tu peux naviguer sur l'eau sans
Parolesde BESOIN DE RIEN, ENVIE DE TOI par Peter & Sloane: Peter & Sloane, Besoin de rien envie de toi comme jamais envie de personne, Tu vois le jour
Peterand Sloane (Jean-Pierre Savelli (Peter) and Chantal Richard (Merry Sloane)) Paroles de « Besoin de rien, envie de toi »: Regarde le jour se lève / Dans la tendresse sur la ville /
Besoinde rien, envie de toi, envie de toi J'aime quand tu m'enlaces Quand tu m'embrasses Je suis si bien Premier matin caresse Matin tendresse Tu es si belle Le jour se lève Nous on s'aime Besoin de rien, envie de toi Comme jamais envie de personne Tu vois le jour C'est à l'amour qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi Comme le rouge aime l'automne Tu sais l'amour C'est à
5z2LuQS. Peter & Sloane, Peter Become A Better Singer In Only 30 Days, With Easy Video Lessons! Regarde le jour se lève Dans la tendresse sur la ville Tu me fais vivre Comme dans un rêve Tout ce que j'aime Besoin de rien, envie de toi Comme jamais envie de personne Tu vois le jour C'est à l'amour qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi Comme le rouge aime l'automne Tu sais l'amour C'est à Vérone qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi, envie de toi J'aime quand tu m'enlaces Quand tu m'embrasses Je suis si bien Premier matin caresse Matin tendresse Tu es si belle Le jour se lève Nous on s'aime Besoin de rien, envie de toi Comme jamais envie de personne Tu vois le jour C'est à l'amour qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi Comme le rouge aime l'automne Tu sais l'amour C'est à Vérone qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi, envie de toi Besoin de rien, envie de toi Comme jamais envie de personne Tu vois le jour C'est à l'amour qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi Comme le rouge aime l'automne Tu sais l'amour C'est à Vérone qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi, envie de toi Besoin de rien, envie de toi Watch New Singing Lesson Videos Can Make Anyone A Great Singer Written by Bernard Estardy, Chantal Richard, Jean-Pierre Savelli, Marie-Jose Zarb Lyrics © SM PUBLISHING FRANCE, Sony/ATV Music Publishing LLC Lyrics Licensed & Provided by LyricFind
Peter & Sloane, Peter Watch New Singing Lesson Videos Can Make Anyone A Great Singer Regarde le jour se lève Dans la tendresse sur la ville Tu me fais vivre Comme dans un rêve Tout ce que j'aime Besoin de rien, envie de toi Comme jamais envie de personne Tu vois le jour C'est à l'amour qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi Comme le rouge aime l'automne Tu sais l'amour C'est à Vérone qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi, envie de toi J'aime quand tu m'enlaces Quand tu m'embrasses Je suis si bien Premier matin caresse Matin tendresse Tu es si belle Le jour se lève Nous on s'aime Besoin de rien, envie de toi Comme jamais envie de personne Tu vois le jour C'est à l'amour qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi Comme le rouge aime l'automne Tu sais l'amour C'est à Vérone qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi, envie de toi Besoin de rien, envie de toi Comme jamais envie de personne Tu vois le jour C'est à l'amour qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi Comme le rouge aime l'automne Tu sais l'amour C'est à Vérone qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi, envie de toi Besoin de rien, envie de toi The easy, fast & fun way to learn how to sing Written by Bernard Estardy, Chantal Richard, Jean-Pierre Savelli, Marie-Jose Zarb Lyrics © SM PUBLISHING FRANCE, Sony/ATV Music Publishing LLC Lyrics Licensed & Provided by LyricFind
Peter Year 1996 343 59 Views Playlists 2 Become A Better Singer In Only 30 Days, With Easy Video Lessons! Regarde le jour se lève Dans la tendresse sur la ville Tu me fais vivre Comme dans un rêve Tout ce que j'aime Besoin de rien, envie de toi Comme jamais envie de personne Tu vois le jour C'est à l'amour qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi Comme le rouge aime l'automne Tu sais l'amour C'est à Vérone qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi, envie de toi J'aime quand tu m'enlaces Quand tu m'embrasses Je suis si bien Premier matin caresse Matin tendresse Tu es si belle Le jour se lève Nous on s'aime Besoin de rien, envie de toi Comme jamais envie de personne Tu vois le jour C'est à l'amour qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi Comme le rouge aime l'automne Tu sais l'amour C'est à Vérone qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi, envie de toi Besoin de rien, envie de toi Comme jamais envie de personne Tu vois le jour C'est à l'amour qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi Comme le rouge aime l'automne Tu sais l'amour C'est à Vérone qu'il ressemble Besoin de rien, envie de toi, envie de toi Besoin de rien, envie de toi Watch New Singing Lesson Videos Can Make Anyone A Great Singer Written by Bernard Estardy, Chantal Richard, Jean-Pierre Savelli, Marie-Jose Zarb Lyrics © SM PUBLISHING FRANCE, Sony/ATV Music Publishing LLC Lyrics Licensed & Provided by LyricFind
Besoin de rien envie de toi paroles de femmes Peter & Sloane - Besoin De Rien Envie De Toi Lyrics & traduction by Peter Et Sloane Lui Regarde, le jour se lève Dans la tendresse sur la ville Elle Tu me fais vivre Comme dans un rêve Tout ce que j´aime Ensemble Besoin de rien, envie de toi Comme jamais envie de personne Tu vois le jour C´est à l´amour qu´il ressemble Comme le rouge aime l´automne Tu sais l´amour C´est à Vérone qu´il ressemble Envie de toi J´aime, quand tu m´enlaces Quand tu m´embrasses Je suis si bien Premier, matin caresse Matin tendresse Tu es si belle Le jour se lève Nous on s´aime Besoin de rien, envie de toi, envie de toi Envie de toi Besoin de rien envie de toi paroles de femmes Pour prolonger le plaisir musical Voir la vidéo de L'envie D'aimer» Non, rien de rien Non je ne regrette rien Ni le bien, qu'on m'a fait Ni le mal, tout ça m'est bien égale Non, je ne regrette rien C'est payé, balayé, oublié Je me fous du passé Avec mes souvenirs J'ai allumé le feu Mes chagrins, mes plaisirs Je n'ai plus besoin d'eux Balayées les amours Avec leurs trémolos Balayés pour toujours Je repars à zéro Car ma vie, car mes joies Aujourd'hui, ça commence avec toi Текст песни полностью Скрыть текст песни Peter & Sloane - Besoin De Rien Envie De Toi Lyrics & traduction Besoin de rien envie de toi paroles youtube Besoin de rien envie de toi paroles video Le casting de "n'oubliez pas les paroles" au Mans sur "besoin de rien, envie de toi" - Vidéo Dailymotion Besoin de rien envie de toi paroles et J ai besoin de toi lyrics Le casting de "n'oubliez pas les paroles" au Mans sur "besoin de rien, envie de toi" - Vidéo Dailymotion Les cookies nous permettent de personnaliser le contenu du site, les annonces publicitaires et d'analyser notre trafic. Nous partageons également des informations avec nos partenaires, de publicité ou d'analyse mais aucune de vos données personnelles e-mail, login. En ce moment vous écoutez Evénement à venir Bide & Musique soirée des 20 ans! Lieu Seven Spirits 7 rue St Hélène, 75013 Paris, le 3 octobre 2020. Plus d'infos Fiche disque de... Peter et Sloane - Besoin de rien, envie de toi Voir du même artiste Titre Besoin de rien, envie de toi Année 1984 Auteurs compositeurs paroles Marie Casanova et Jean-Pierre Savelli / musique Chantal Richard Durée 3 m 40 s Label Deesse Référence DPX 818 Plus d'infos Écouter le morceau Partager ce morceau 263 personnes ont cette chanson dans leurs favoris! Meteo baume les messieurs Action logement saint ouen 2017 Voyage pour celibataire rencontre centre
Marivaux Théâtre complet. Tome premier Le Père prudent et équitable Adresse A Monsieur Rogier Seigneur du Buisson, Conseiller du Roi, Lieutenant général civil et de police en la sénéchaussée et siège présidial de Limoges. Monsieur, Le hasard m'ayant fait tomber entre les mains cette petite pièce comique, je prends la liberté de vous la présenter, dans l'espérance qu'elle pourra, pour quelques moments, vous délasser des grands soins qui vous occupent, et qui font l'avantage du public. Je pourrais ici trouver matière à un éloge sincère et sans flatterie ; mais tant d'autres l'ont déjà fait et le font encore tous les jours qu'il est inutile de mêler mes faibles expressions aux nobles et justes idées que tout le monde a de vous ; pour moi, conteny de vous admirer, je borne ma hardiesse à vous demander l'honneur de votre protection et de me dire, avec un très profond respect, Monsieur, Le très humble et très obéissant serviteur. M*** Acteurs Démocrite, père de Philine. Philine, fille de Démocrite. Toinette, servante de Philine. Cléandre, amant de Philine. Crispin, valet de Cléandre. Ariste, bourgeois campagnard. MaÃtre Jacques, paysan suivant Ariste. Le Chevalier. Le Financier. Frontin, fourbe employé par Crispin. La scène est sur une place publique, d'où l'on aperçoit la maison de Démocrite. Scène première Démocrite, Philine, Toinette Démocrite Je veux être obéi; votre jeune cervelle Pour l'utile, aujourd'hui, choisit la bagatelle. Cléandre, ce mignon, à vos yeux est charmant Mais il faut l'oublier, je vous le dis tout franc. Vous rechignez, je crois, petite créature! Ces morveuses, à peine ont-elles pris figure Qu'elles sentent déjà ce que c'est que l'amour. Eh bien donc! vous serez mariée en ce jour! Il s'offre trois partis un homme de finance, Un jeune Chevalier, le plus noble de France, Et Ariste, qui doit arriver aujourd'hui. Je le souhaiterais, que vous fussiez à lui. Il a de très grands biens, il est près du village; Il est vrai que l'on dit qu'il n'est pas de votre âge Mais qu'importe après tout? La jeune de Faubon En est-elle moins bien pour avoir un barbon? Non. Sans aller plus loin, voyez votre cousine; Avec son vieux époux sans cesse elle badine; Elle saute, elle rit, elle danse toujours. Ma fille, les voilà les plus charmants amours. Nous verrons aujourd'hui ce que c'est que cet homme. Pour les autres, je sais aussi comme on les nomme Ils doivent, sur le soir, me parler tous les deux. Ma fille, en voilà trois; choisissez l'un d'entre eux, Je le veux bien encor; mais oubliez Cléandre; C'est un colifichet qui voudrait nous surprendre, Dont les biens, embrouillés dans de très grands procès, Peut-être ne viendront qu'après votre décès. Philine Si mon coeur... Démocrite Taisez-vous, je veux qu'on m'obéisse. Vous suivez sottement votre amoureux caprice; C'est faire votre bien que de vous résister, Et je ne prétends point ici vous consulter. Scène II Philine, Toinette Philine Dis-moi, que faire après ce coup terrible? Tout autre que Cléandre à mes yeux est horrible. Quel malheur! Toinette Il est vrai. Philine Dans un tel embarras, Plutôt que de choisir, je prendrais le trépas. Scène III Philine, Toinette, Cléandre, Crispin Cléandre N'avez-vous pu, Madame, adoucir votre père? A nous unir tous deux est-il toujours contraire? Philine Oui, Cléandre. Cléandre A quoi donc vous déterminez-vous? Philine A rien. Cléandre Je l'avouerai, le compliment est doux. Vous m'aimez cependant; au péril qui nous presse, Quand je tremble d'effroi, rien ne vous intéresse. Nous sommes menacés du plus affreux malheur Sans alarme pourtant... Philine Doutez-vous que mon coeur, Cher Cléandre, avec vous ne partage vos craintes? De nos communs chagrins je ressens les atteintes; Mais quel remède, enfin, y pourrai-je apporter? Mon père me contraint, puis-je lui résister? De trois maris offerts il faut que je choisisse, Et ce choix à mon coeur est un cruel supplice. Mais à quoi me résoudre en cette extrémité, Si de ces trois partis mon père est entêté? Qu'exigez-vous de moi? Cléandre A quoi bon vous le dire, Philine, si l'amour n'a pu vous en instruire? Il est des moyens sûrs, et quand on aime bien... Philine Arrêtez, je comprends, mais je n'en ferai rien. Si mon amour m'est cher, ma vertu m'est plus chère. Non, n'attendez de moi rien qui lui soit contraire; De ces moyens si sûrs ne me parlez jamais. Cléandre Quoi! Philine Si vous m'en parlez, je vous fuis désormais. Cléandre Eh bien! fuyez, ingrate, et riez de ma perte. Votre injuste froideur est enfin découverte. N'attendez point de moi de marques de douleur; On ne perd presque rien à perdre un mauvais coeur; Et ce serait montrer une faiblesse extrême, Par de lâches transports de prouver qu'on vous aime, Vous qui n'avez pour moi qu'insensibilité. Doit-on par des soupirs payer la cruauté? C'en est fait, je vous laisse à votre indifférence; Je vais mettre à vous fuir mon unique constance; Et si vous m'accablez d'un si cruel destin, Vous ne jouirez pas du moins de mon chagrin. Philine Je ne vous retiens pas, devenez infidèle; Donnez-moi tous les noms d'ingrate et de cruelle; Je ne regrette point un amant tel que vous, Puisque de ma vertu vous n'êtes point jaloux. Cléandre Finissons là -dessus; quand on est sans tendresse On peut faire aisément des leçons de sagesse, Philine, et quand un coeur chérit comme le mien... Mais quoi! vous le vanter ne servirait de rien. Je vous ai mille fois montré toute mon âme, Et vous n'ignorez pas combien elle eut de flamme; Mon crime est d'avoir eu le coeur trop enflammé; Vous m'aimeriez encor, si j'avais moins aimé. Mais, dussé-je, Philine, être accablé de haine, Je sens que je ne puis renoncer à ma chaÃne. Adieu, Philine, adieu; vous êtes sans pitié, Et je n'exciterais que votre inimité. Rien ne vous attendrit quel coeur! qu'il est barbare! Le mien dans les soupirs s'abandonne et s'égare. Ha! qu'il m'eût été doux de conserver mes feux! Plus content mille fois... Que je suis malheureux! Adieu, chère Philine... Il s'en va et il revient. Avant que je vous quitte... De quelques feints regrets du moins plaignez ma fuite. Philine, s'en allant aussi et soupirant. Ah! Cléandre l'arrête. Mais où fuyez-vous? arrêtez donc vos pas. Je suis prêt d'obéir; et ne me fuyez pas. Toinette Votre père pourrait, Madame, vous surprendre; Vous savez qu'il n'est pas fort prudent de l'attendre; Finissez vos débats, et calmez le chagrin... Crispin Oui, croyez-en, Madame, et Toinette et Crispin; Faites la paix tous deux. Toinette Quoi! toujours triste mine! Crispin Parbleu! qu'avez-vous donc, Monsieur, qui vous chagrine? Je suis de vos amis, ouvrez-moi votre coeur A raconter sa peine on sent de la douceur. Chassez de votre esprit toute triste pensée. Votre bourse, Monsieur, serait-elle épuisée? C'est, il faut l'avouer, un destin bien fatal; Mais en revanche, aussi, c'est un destin banal. Nombre de gens, atteints de la même faiblesse, Dans leur triste gousset logent la sécheresse Mais Crispin fut toujours un généreux garçon; Je vous offre ma bourse, usez-en sans façon. Toinette Ah! que vous m'ennuyez! pour finir vos alarmes, C'est un fort bon moyen que de verser des larmes! Retournez au logis passer votre chagrin. Crispin Et retournons au nôtre y prendre un doigt de vin. Toinette Que vous êtes enfants! Crispin Leur douloureux martyre, En les faisant pleurer, me fait crever de rire. Toinette Qu'un air triste et mourant vous sied bien à tous deux! Crispin Qu'il est beau de pleurer, quand on est amoureux! Toinette Eh bien! finissez-vous? toi, Crispin, tiens ton maÃtre. Hélas! que vous avez de peine à vous connaÃtre! Crispin Ils ne se disent mot, Toinette; sifflons-les. On siffle bien aussi messieurs les perroquets. Cléandre Promettez-moi, Philine, une vive tendresse. Philine Je n'aurai pas de peine à tenir ma promesse. Crispin Quel aimable jargon! je me sens attendrir; Si vous continuez, je vais m'évanouir. Toinette Hélas! beau Cupidon! le douillet personnage! Mais, Madame, en un mot, cessez ce badinage. Votre père viendra. Cléandre Non, il ne suffit pas D'avoir pour à présent terminé nos débats. Voyons encore ici quel biais l'on pourrait prendre, Pour nous unir enfin, ce qu'on peut entreprendre. Philine, à Toinette. De mon père tu sais quelle est l'intention. Il m'offre trois partis Ariste, un vieux barbon; L'autre est un chevalier, l'autre homme de finance; Mais Ariste, ce vieux, aurait la préférence Il a de très grands biens, et mon père aujourd'hui Pourrait le préférer à tout autre parti. Il arrive en ce jour. Toinette Je le sais, mais que faire? Je ne vois rien ici qui ne vous soit contraire. Dans ta tête, Crispin, cherche, invente un moyen. Pour moi, je suis à bout, et je ne trouve rien. Remue un peu, Crispin, ton imaginative. Crispin En fait de tours d'esprit, la femelle est plus vive. Toinette Pour moi, je doute fort qu'on puisse rien trouver. Crispin, tout d'un coup en enthousiasme. Silence! par mes soins je prétends vous sauver. Toinette Dieux! quel enthousiasme! Crispin Halte là ! mon génie Va des fureurs du sort affranchir votre vie. Ne redoutez plus rien; je vais tarir vos pleurs, Et vous allez par moi voir finir vos malheurs. Oui, quoique le destin vous livre ici la guerre, Si Crispin est pour vous... Toinette Quel bruit pour ne rien faire! Crispin Osez-vous me troubler, dans l'état où je suis? Si ma main... Mais, plutôt, rappelons nos esprits. J'enfante... Toinette Un avorton. Crispin Le dessein d'une intrigue. Toinette Eh! ne dirait-on pas qu'il médite une ligue? Venons, venons au fait. Crispin Enfin je l'ai trouvé. Toinette Ha! votre enthousiasme est enfin achevé. Crispin, parlant à Philine. D'Ariste vous craignez la subite arrivée. Philine Peut-être qu'à ce vieux je me verrais livrée. Crispin, à Cléandre. Vaines terreurs, chansons. Vous, vous êtes certain De ne pouvoir jamais lui donner votre main? Cléandre Oui vraiment. Crispin Avec moi, tout ceci bagatelle. Cléandre Hé que faire? Crispin Ah! parbleu, ménagez ma cervelle. Toinette Benêt! Crispin Sans compliment c'est dans cette journée, Qu'Ariste doit venir pour tenter hyménée? Toinette Sans doute. Crispin Du voyage il perdra tous les frais. Je saurai de ces lieux l'éloigner pour jamais. Quand il sera parti, je prendrai sa figure D'un campagnard grossier imitant la posture, J'irai trouver ce père, et vous verrez enfin Et quel trésor je suis, et ce que vaut Crispin. Toinette Mais enfin, lui parti, cet homme de finance, De La Boursinière, est rival d'importance. Crispin Nous pourvoirons à tout. Toinette Ce chevalier charmant?... Crispin Ce sont de nos cadets brouillés avec l'argent Chez les vieilles beautés est leur bureau d'adresse. Qu'il y cherche fortune. Toinette Hé oui, mais le temps presse. Ne t'amuse donc pas, Crispin; il faut pourvoir A chasser tous les trois, et même dès ce soir. Ariste étant parti, dis-nous par quelle adresse, Des deux autres messieurs... Crispin J'ai des tours de souplesse Dont l'effet sera sûr... A propos, j'ai besoin De quelque habit de femme. Cléandre Hé bien! j'en aurai soin Va, je t'en donnerai. Crispin Je connais certain drôle, Que je dois employer, et qui jouera son rôle. Se tournant vers Cléandre et Philine, il dit Vous, ne paraissez pas; et vous, ne craignez rien Tout doit vous réussir, cet oracle est certain. Je ne m'éloigne pas. Avertis-moi, Toinette, Si l'un des trois arrive, afin que je l'arrête. Cléandre Adieu, chère Philine. Philine Scène IV Cléandre, Crispin Cléandre Mais dis, Crispin, Pour tromper Démocrite es-tu bien assez fin? Crispin Reposez-vous sur moi, dormez en assurance, Et méritez mes soins par votre confiance. De ce que j'entreprends je sors avec honneur, Ou j'en sors, pour le moins, toujours avec bonheur. Cléandre Que tu me rends content! Si j'épouse Philine, Je te fonde, Crispin, une sûre cuisine. Crispin Je savais autrefois quelques mots de latin Mais depuis qu'à vos pas m'attache le destin, De tous les temps, celui que garde ma mémoire. C'est le futur, soit dit sans taxer votre gloire, Vous dites au futur Ca, tu seras payé; Pour de présent, caret vous l'avez oublié. Cléandre Va, tu ne perdras rien; ne te mets point en peine. Crispin Quand vous vous marierez, j'aurai bien mon étrenne. Sortons; mais quel serait ce grand original? Ma foi, ce pourrait bien être notre animal. Allez chez vous m'attendre. Scène V Crispin, Ariste, MaÃtre Jacques, suivant Ariste. MaÃtre Jacques C'est là , monsieur Ariste Velà bian la maison, je le sens à la piste; Mais l'homme que voici nous instruira de ça. Crispin, s'entortillant le nez dans son manteau. Que cherchez-vous, Messieurs? Ariste Ne serait-ce pas là La maison d'un nommé le Seigneur Démocrite? MaÃtre Jacques Je sons partis tous deux pour lui rendre visite. Crispin Oui, que demandez-vous? Ariste J'arrive ici pour lui. MaÃtre Jacques C'est que ce Démocrite avertit celui-ci Qu'il lui baillait sa fille, et ça m'a fait envie; Je venions assister à la çarimonie. Je devons épouser la fille de Jacquet, Et je venions un peu voir comment ça se fait. Crispin Est-ce Ariste? Ariste C'est moi. MaÃtre Jacques Velà sa portraiture, Tout comme l'a bâti notre mère nature. Crispin Moi, je suis Démocrite. Ariste Ah! quel heureux hasard! Démocrite, pardon si j'arrive un peu tard. Crispin Vous vous moquez de moi. MaÃtre Jacques Velà donc le biau-père? Oh! bian, pisque c'est vous, souffrez donc sans mystère Que je vous dégauchisse un petit compliment, En vous remarcissant de votre traitement. Crispin Vous me comblez d'honneur; je voudrais que ma fille Pût, dans la suite, Ariste, unir notre famille. On nous a fait de vous un si sage récit. Ariste Je ne mérite pas tout ce qu'on en a dit. MaÃtre Jacques Palsangué! qu'ils feront tous deux un beau carrage Je ne sais pas au vrai si la fille est bian sage; Mais, margué! je m'en doute. Crispin Il ne me sied pas bien De la louer moi-même et d'en dire du bien. Vous en pourrez juger, elle est très vertueuse. MaÃtre Jacques Biau-père, dites-moi, n'est-elle pas rêveuse? Crispin Monsieur sera content s'il devient son époux. Ariste C'est, je l'ose assurer, mon souhait le plus doux; Et quoique dans ces lieux j'aie fait ma retraite... MaÃtre Jacques, vite. C'est qu'en ville autrefois sa fortune était faite. Il était emplouyé dans un très grand emploi; Mais on le rechercha de par Monsieur le Roi. Il avait un biau train; quelques farmiers venirent; Ah! les méchants bourriaux! les farmiers le forcirent A compter. Ils disiont que Monsieur avait pris Plus d'argent qu'il ne faut et qu'il n'était permis; Enfin, tout ci, tout ça, ces gens, pour son salaire, Vouliont, ce disaient-ils, lui faire pardre terre. Ceti-ci prit la mouche; il leur plantit tout là , Et de ci les valets, et les cheviaux de là ; Et Monsieur, bien fâché d'une telle avanie, S'en venit dans les champs vivre en mélancoulie. Ariste Le fait est seulement que, lassé du fracas, Le séjour du village a pour moi plus d'appas. MaÃtre Jacques, apercevant Toinette à une fenêtre. Ah! le friand minois que je vois qui regarde! Toinette, à la fenêtre. Eh! qui sont donc ces gens? MaÃtre Jacques L'agriable camarde! Biau-père, c'est l'enfant dont vous voulez parler? Crispin Il est vrai, c'est ma fille; et je vais l'appeler. Ma fille, descendez. Il fait signe à Toinette. MaÃtre Jacques Morgué, qu'elle est gentille! Scène VI Ariste, MaÃtre Jacques, Crispin, Toinette Crispin, allant au-devant de Toinette, et lui disant bas. Fais ton rôle, entends-tu? je te nomme ma fille, Et cet homme est Ariste. Approchez-vous de nous, Ma fille, et saluez votre futur époux. MaÃtre Jacques Jarnigué, la friponne! elle aurait ma tendresse. Ariste Je serais trop heureux, Monsieur, je le confesse. Madame a des appas dont on est si charmé, Qu'en la voyant d'abord on se sent enflammé. Toinette Est-il vrai, trouvez-vous que je sois bien aimable? On ne voit, me dit-on, rien de plus agréable; En gros je suis parfaite, et charmante en détail Mes yeux sont tout de feu, mes lèvres de corail, Le nez le plus friand, la taille la plus fine. Mais mon esprit encor vaut bien mieux que ma mine. Gageons que votre coeur ne tient pas d'un filet? Fripon, vous soupirez, avouez-le tout net. Il est tout interdit. Crispin Tu réponds à merveilles; Courage sur ce ton. MaÃtre Jacques Ca ravit mes oreilles. Ariste Que veut dire ceci? veut-elle badiner? Cet air et ses discours ont droit de m'étonner. Toinette Je vois que le pauvre homme a perdu la parole S'il devenait muet, papa, je deviens folle. Parlez donc, cher amant, petit mari futur; Sied-il bien aux amants d'avoir le coeur si dur? Allez, petit ingrat, vous méritez ma haine. Je ferai désormais la fière et l'inhumaine. Ariste Je n'y comprends plus rien. Toinette Tourne vers moi les yeux, Et vois combien les miens sont tendres amoureux. Ha! que pour toi déjà j'ai conçu de tendresse! O trop heureux mortel de m'avoir pour maÃtresse! Ariste Dans quel égarement... Toinette Vous ne me dites mot! Je vous croyais poli, mais vous n'êtes qu'un sot. Moi devenir sa femme! ha, ha, quelle figure! Marier un objet, chef-d'oeuvre de nature, Fi donc! avec un singe aussi vilain que lui! Ariste, bas. La guenon! Toinette Cher papa, non, j'en mourrais d'ennui. Je suis, vous le savez, sujette à la migraine; L'aspect de ce magot la rendrait quotidienne. Que je le hais déjà ! je ne le puis souffrir. S'il devient mon époux, ma vertu va finir; Je ne réponds de rien. Ariste Quelle étrange folie! Crispin Son humeur est contraire à la mélancolie. Ariste A l'autre! Crispin Expliquez-vous, ne vous plaÃt-elle pas? Ariste Sans son extravagance elle aurait des appas. Retirons-nous d'ici, laissons ces imbéciles Ils auraient de l'argent à courir dans les villes. Nous venons de bien loin pour ne voir que des fous. MaÃtre Jacques Adieu, biauté quinteuse; adieu donc, sans courroux. La peste les étouffe. Crispin Mon humeur est mutine Point de bruit, s'il vous plaÃt, ou bien sur votre échine J'apostrophe un ergo qu'on nomme in barbara. MaÃtre Jacques Ah! morgué, le biau nid que j'avions trouvé là ! Scène VII Crispin, Toinette Crispin Il est congédié. Toinette *Grâces à mon adresse. Crispin Je te trouve en effet digne de ma tendresse. Toinette Est-il vrai, sieur Crispin? ah! vous vous ravalez. Crispin Vous ne savez donc pas tout ce que vous valez? Toinette C'est trop se prodiguer. Crispin Je ne puis m'en défendre Les grands hommes souvent se plaisent à descendre. Toinette Démocrite paraÃt adieu, songe au projet. Crispin Ne t'embarrasse pas va, je sais mon sujet. Je vais me dire Ariste, et trouver Démocrite, Et je saurai chasser les autres dans la suite. Mais prends garde, l'un d'eux pourrait bien arriver Je ne m'écarte point, viens vite me trouver. Toinette Ils ne viendront qu'au soir rendre visite au père. Crispin Je pourrai donc les voir et terminer l'affaire. Scène VIII Démocrite, Toinette Démocrite Toinette! Toinette Eh bien! Monsieur? Démocrite Puisque c'est aujourd'hui Qu'Ariste doit venir, ayez soin que pour lui L'on prépare un régal ma fille est prévenue... Toinette Je sais fort bien, Monsieur, qu'elle attend sa venue; Mais, pour être sa femme, il est un peu trop vieux. Démocrite Il a plus de raison. Toinette En sera-t-elle mieux? La raison, à son âge, est, ma foi, bagatelle, Et la raison n'est pas le charme d'une belle. Démocrite Mais elle doit suffire. Toinette Oui, pour de vieux époux; Mais les jeunes, Monsieur, n'en sont pas si jaloux. Un peu moins de raison, plus de galanterie; Et voilà ce qui fait le plaisir de la vie. Démocrite C'en est fait, taisez-vous, je lui laisse le choix Qu'elle prenne celui qui lui plaira des trois. Toinette Mais... Démocrite Mais retirez-vous, et gardez le silence! Parbleu, c'est bien à vous à taxer ma prudence! Scène IX Démocrite, seul. En effet, est-il rien de plus avantageux? Quoi! je préférerais, pour je ne sais quels feux, Un jeune homme sans biens à trois partis sortables! Que faire, sans le bien, des figures aimables? S'il gagnait son procès, cet amant si chéri, En ce cas, il pourrait devenir son mari Mais vider des procès, c'est une mer à boire. Scène X Démocrite, Le Chevalier de la Minardinière Le Chevalier C'est ici. Démocrite, ne voyant pas le Chevalier. C'est moi seul, enfin, que j'en veux croire. Le Chevalier Le seigneur Démocrite est-il pas logé là ? Démocrite Voulez-vous lui parler? Le Chevalier Oui, Monsieur. Démocrite Le voilà . Le Chevalier La rencontre est heureuse, et ma joie est extrême, En arrivant d'abord, de vous trouver vous-même. Philine est le sujet qui m'amène vers vous Mon bonheur sera grand si je suis son époux. Je suis le chevalier de la Minardinière. Démocrite Ah! je comprends, Monsieur, et la chose est fort claire; Je suis instruit de tout; j'espérais de vous voir, Comme on me l'avait dit, aujourd'hui sur le soir. Le Chevalier Puis-je croire, Monsieur, que votre aimable fille Voudra bien consentir d'unir notre famille? Démocrite Je suis persuadé que vous lui plairez fort. Si vous ne lui plaisiez, elle aurait un grand tort; Mais comme vous avez pressé votre visite, Et qu'on n'espérait pas que vous vinssiez si vite, Elle est chez un parent, même assez loin d'ici. Si vous vouliez, Monsieur, revenir aujourd'hui, Vous vous verriez tous deux, et l'on prendrait mesure. Le Chevalier Vous pouvez ordonner, et c'est me faire injure Que de penser, Monsieur, que je plaignis mes pas, Et l'espoir qui me flatte a pour moi trop d'appas. Je reviens sur le soir. Scène XI Démocrite, seul. Je fais avec prudence De ne l'avoir trompé par aucune assurance. Il est bon de choisir; j'en dois voir encor deux, Et ma fille à son gré choisira l'un d'entre eux. Ariste et l'autre ici doivent bientôt se rendre, Et j'aurai dans ce jour l'un des trois pour mon gendre. Quelque mérite enfin qu'ait notre Chevalier, Il faut attendre Ariste et notre financier. L'heure approche, et bientôt... Scène XII Démocrite, Crispin, contrefaisant Ariste. Crispin Morbleu de Démocrite! Je pense qu'à mes yeux sa maison prend la fuite. Depuis longtemps ici que je la cherche en vain, J'aurais, je gage, bu dix chopines de vin. Démocrite Quel ivrogne! parlez, auriez-vous quelque affaire Avec lui? Crispin Babillard, vous plaÃt-il de vous taire? Vous interroge-t-on? Démocrite Mais c'est moi qui le suis. Crispin Ah! ah! je me reprends, si je me suis mépris. Comment vous portez-vous? Je me porte à merveille, Et je suis toujours frais, grâce au jus de la treille. Démocrite Votre nom, s'il vous plaÃt? Crispin Et mon surnom aussi. Je suis Antoine Ariste, arrivé d'aujourd'hui. Exprès pour épouser votre fille, je pense Car le doute est fondé dessus l'expérience. Démocrite Vous êtes goguenard; je suis pourtant charmé De vous voir. Crispin Dites-moi, pourrai-je en être aimé? Voyons-la. Démocrite Je le veux qu'on appelle ma fille. Crispin Je me promets de faire une grande famille; J'aime fort à peupler. Scène XIII Démocrite, Crispin, Philine Démocrite La voilà . Crispin Je la vois. Mon humeur lui plaira, j'en juge à son minois. Démocrite Ma fille, c'est Ariste. Crispin Oh! oh! que de fontange! Il faut quitter cela, ma mignonne, mon ange. Philine Eh! pourquoi les quitter? Démocrite Quelles sont vos raisons? Crispin Oui, oui, parmi les boeufs, les vaches, les dindons, Il vous fera beau voir de rubans tout ornée! Dans huit jours vous serez couleur de cheminée. Tous mes biens sont ruraux, il faut beaucoup de soin Tantôt c'est au grenier, pour descendre du foin; Veiller sur les valets, leur préparer la soupe; Filer tantôt du lin, et tantôt de l'étoupe; A faute de valets, souvent laver les plats, Eplucher la salade, et refaire les draps; Se lever avant jour, en jupe ou camisole; Pour éveiller ses gens, crier comme une folle Voilà , ma chère enfant, désormais votre emploi, Et de ce que je veux faites-vous une loi. Philine Dieux! quel original! je n'en veux point, mon père! Démocrite Ce rustique bourgeois commence à me déplaire. Crispin Ses souliers, pour les champs, sont un peu trop mignons Dans une basse-cour, des sabots seront bons. Philine Des sabots! Démocrite Des sabots! Crispin Oui, des sabots, ma fille. Sachez qu'on en porta toujours dans ma famille; Et j'ai même un cousin, à présent financier, Qui jadis, sans reproche, était un sabotier. Croyez-moi, vous serez mille fois plus charmante, Quand, au lieu de damas, habillée en servante, Et devenue enfin une grosse dondon, De ma maison des champs vous prendrez le timon. Démocrite Le prenne qui voudra mais je vous remercie. Non, je n'en vis jamais, de si sot, en ma vie. Adieu, sieur campagnard je vous donne un bonsoir. Pour ma fille, jamais n'espérez de l'avoir. Laissons-le. Crispin Dieu vous gard. Parbleu! qu'elle choisisse; Qu'elle prenne un garçon, Normand, Breton ou Suisse; Et que m'importe à moi! Scène XIV Crispin, seul. Pour la subtilité, Je pense qu'ici-bas mon pareil n'est pas né. Que d'adresse, morbleu! De Paris jusqu'à Rome On ne trouverait pas un aussi galant homme. Oui, je suis, dans mon genre, un grand original; Les autres, après moi, n'ont qu'un talent banal. En fait d'esprit, de ton, les anciens ont la gloire; Qu'ils viennent avec moi disputer la victoire. Un modèle pareil va tous les effacer. Il est vrai que de soi c'est un peu trop penser; Mais quoi! je ne mens pas, et je me rends justice; Un peu de vanité n'est pas un si grand vice. Ce n'est pourtant pas tout reste deux, et partant Il faut les écarter; le cas est important. Ces deux autres messieurs n'ont point vu Démocrite; Aucun d'eux n'est venu pour lui rendre visite. Toinette m'en assure; elle veille au logis Si quelqu'un arrivait, elle en aurait avis. Je connais nos rivaux même, par aventure, A tous les deux jadis je servis de Mercure. Je vais donc les trouver, et par de faux discours, Pour jamais dans leurs coeurs éteindre leurs amours. J'ai déjà prudemment prévenu certain drôle, Qui d'un faux financier jouera fort bien le rôle. Mais le voilà qui vient, notre vrai financier. Courage, il faut ici faire un tour du métier. Il arrive à propos. Scène XV Crispin, Le Financier Le Financier, arrivant sans voir Crispin. Oui, voilà sa demeure; Sans doute je pourrai le trouver à cette heure. Mais, est-ce toi, Crispin? Crispin C'est votre serviteur. Et quel hasard, Monsieur, ou plutôt quel bonheur Fait qu'on vous trouve ici? Le Financier J'y fais un mariage. Crispin Vous mariez quelqu'un dans ce petit village? Le Financier Connais-tu Démocrite? Crispin Hé! je loge chez lui. Le Financier Quoi! tu loges chez lui? j'y viens moi-même aussi. Crispin Hé qu'y faire? Le Financier J'y viens pour épouser sa fille. Crispin Quoi! vous vous alliez avec cette famille! Le Financier Hé, ne fais-je pas bien? Crispin Je suis de la maison, Et je ne puis parler. Le Financier Tu me donnes soupçon De grâce, explique-toi. Crispin Je n'ose vous rien dire. Le Financier Quoi! tu me cacherais?... Crispin Je n'aime point à nuire. Le Financier Crispin, encore un coup... Crispin Ah! si l'on m'entendait, Je serais mort, Monsieur, et l'on m'assommerait. Le Financier Quoi! Crispin autrefois qui fut à mon service!... Crispin Enfin, vous voulez donc, Monsieur, que je périsse? Le Financier Ne t'embarrasse pas. Crispin Gardez donc le secret. Je suis perdu, Monsieur, si vous n'êtes discret. Je tremble. Le Financier Parle donc. Crispin Eh bien donc! cette fille, Son père et ses parents et toute la famille, Tombent d'un certain mal que je n'ose nommer. Le Financier Ha Crispin, quelle horreur! tu me fais frissonner. Je venais de ce pas rendre visite au père, Et peut-être, sans toi, j'eus terminé l'affaire. A présent, c'en est fait, je ne veux plus le voir, Je m'en retourne enfin à Paris dès ce soir. Crispin Je m'enfuis, mais sur tout gardez bien le silence. Le Financier Tiens! Crispin Je n'exige pas, Monsieur, de récompense. Le Financier Tiens donc. Crispin Vous le voulez, il faut vous obéir. Adieu, Monsieur motus! Scène XVI Le Financier, seul. Qu'allais-je devenir? J'aurais, sans son avis, fait un beau mariage! Elle m'eût apporté belle dot en partage! Je serais bien fâché d'être époux à ce prix; Je ne suis point assez de ses appas épris. Retirons-nous... Pourtant un peu de bienséance, A vrai dire, n'est pas de si grande importance. Démocrite m'attend avant que de quitter, Il est bon de le voir et de me rétracter. Scène XVII Le Financier, Toinette, Démocrite Le Financier frappe. Toinette, à la porte. Que voulez-vous, Monsieur? Le Financier Le seigneur Démocrite Est-il là ? je venais pour lui rendre visite. Toinette Démocrite, à une fenêtre. Qui frappe là -bas? à qui donc en veut-on? Le Financier répond. Le seigneur Démocrite est-il en sa maison? Démocrite J'y suis et je descends. Le Financier Vous vous trompiez, la belle. Toinette D'accord. Et à part. C'est bien en vain que j'ai fait sentinelle. Tout ceci va fort mal les desseins de Crispin, Autant qu'on peut juger, n'auront pas bonne fin. Je ne m'en mêle plus. Scène XVIII Le Financier, Démocrite Le Financier J'étais dans l'espérance De pouvoir avec vous contracter alliance. Un accident, Monsieur, m'oblige de partir J'ai cru de mon devoir de vous en avertir. Démocrite Vous êtes donc Monsieur de la Boursinière? Et quel malheur, Monsieur, quelle subite affaire Peut, en si peu de temps, causer votre départ? A cet éloignement ma fille a-t-elle part? Le Financier Non, Monsieur. Démocrite Permettez pourtant que je soupçonne; Et dans l'étonnement qu'un tel départ me donne, J'entrevois que peut-être ici quelque jaloux Pourrait, en ce moment, vous éloigner de nous. Vous ne répondez rien, avouez-moi la chose; D'un changement si grand apprenez-moi la cause. J'y suis intéressé; car si des envieux Vous avaient fait, Monsieur, des rapports odieux, Je ne vous retiens pas, mais daignez m'en instruire. Il faut vous détromper. Le Financier Que pourrais-je vous dire? Démocrite Non, non, il n'est plus temps de vouloir le celer. Je vois trop ce que c'est, et vous pouvez parler. Le Financier N'avez-vous pas chez vous un valet que l'on nomme Crispin? Démocrite Moi? de ce nom je ne connais personne. Le Financier Le fourbe! il m'a trompé. Démocrite Eh bien donc? ce Crispin? Le Financier Il s'est dit de chez vous. Démocrite Il ment, c'est un coquin. Le Financier Un mal affreux, dit-il, attaquait votre fille. Il en a dit autant de toute la famille. Démocrite D'un rapport si mauvais je ne puis me fâcher. Le Financier Mais il faut le punir, et je vais le chercher. Démocrite Allez, je vous attends. Le Financier Au reste, je vous prie, Que je ne souffre point de cette calomnie. Démocrite J'ai le coeur mieux placé. Scène XIX Démocrite, Frontin arrive, contrefaisant le Financier. Démocrite, sans le voir. Quelle méchanceté! Qui peut être l'auteur de cette fausseté? Frontin, contrefaisant le Financier. Le rôle que Crispin ici me donne à faire N'est pas des plus aisés, et veut bien du mystère. Démocrite, sans le voir. Souvent, sans le savoir, on a des ennemis Cachés sous le beau nom de nos meilleurs amis. Frontin Connaissez-vous ici le seigneur Démocrite? Je viens exprès ici pour lui rendre visite. Démocrite C'est moi. Frontin J'en suis ravi ce que j'ai de crédit Est à votre service. Démocrite Eh! mais, dans quel esprit Me l'offrez-vous, à moi? votre nom, que je sache, M'est inconnu; qu'importe?... On dirait qu'il se fâche. Est-on Turc avec ceux que l'on ne connaÃt pas? Je ne suis pas de ceux qui font tant de fracas. Frontin En buvant tous les deux, nous saurons qui nous sommes. Démocrite, bas. Il est, je l'avouerai, de ridicules hommes. Frontin Je suis de vos amis, je vous dirai mon nom. Démocrite Il ne s'agit ici de nom ni de surnom. Frontin Vous êtes aujourd'hui d'une humeur chagrinante Mon amitié pourtant n'est pas indifférente. Démocrite Finissons, s'il vous plaÃt. Frontin Je le veux. Dites-moi Comment va notre enfant? Elle est belle, ma foi; Je veux dès aujourd'hui lui donner sérénade. Démocrite Qu'elle se porte bien, ou qu'elle soit malade, Que vous importe à vous? Frontin Je la connais fort bien; Elle est riche, papa mais vous n'en dites rien; Il ne tiendra qu'à vous de terminer l'affaire. Démocrite Je n'entends rien, Monsieur, à tout ce beau mystère. Frontin Vous le dites. Démocrite J'en jure. Frontin Oh! point de jurement. Je ne vous en crois pas, même à votre serment. Démocrite, entre nous, point tant de modestie. Venons au fait. Démocrite Monsieur, avez-vous fait partie De vous moquer de moi? Frontin Morbleu! point de détours. Faites venir ici l'objet de mes amours. La friponne, je crois qu'elle en sera bien aise; Et vous l'êtes aussi, papa, ne vous déplaise. J'en suis ravi de même, et nous serons tous trois. En même temps, ici, plus contents que des rois. Savez-vous qui je suis? Démocrite Il ne m'importe guère. Frontin Ah! si vous le saviez, vous diriez le contraire. Démocrite Moi! Frontin Je gage que si. Je suis, pour abréger... Démocrite Je n'y prends nulle part, et ne veux point gager. Frontin C'est qu'il a peur de perdre. Démocrite Eh bien! soit je me lasse De ce galimatias; expliquez-vous de grâce. Frontin Je suis le financier qui devait sur le soir, Pour ce que vous savez, vous parler et vous voir. Démocrite, étonné. Quelle est donc cette énigme? Frontin Un peu de patience; J'adoucirai bientôt votre aigre révérence. J'ai mille francs et plus de revenu par jour Dites, avec cela peut-on faire l'amour? Grand nombre de chevaux, de laquais, d'équipages. Quand je me marierai, ma femme aura des pages. Voyez-vous cet habit? il est beau, somptueux; Un autre avec cela ferait le glorieux Fi! c'est un guenillon que je porte en campagne Vous croiriez ma maison un pays de cocagne. Voulez-vous voir mon train? il est fort près d'ici. Démocrite Je m'y perds. Frontin Ma livrée est magnifique aussi. Papa, savez-vous bien qu'un excès de tendresse Va rendre votre enfant de tant de biens maÃtresse? Vous avez, m'a-t-on dit, en rente, vingt mil francs. Partagez-nous-en dix, et nous serons contents. Après cela, mourez pour nous laisser le reste. Dites, en vérité, puis-je être plus modeste? Démocrite Non, je n'y connais rien; Monsieur le financier, Ou qui que vous soyez, il faudrait vous lier; Je ne puis démêler si c'est la fourberie, Ou si ce n'est enfin que pure frénésie Qui vous conduit ici mais n'y revenez plus. Frontin Adieu, je mangerai tout seul mes revenus. Vinssiez-vous à présent prier pour votre fille, J'abandonne à jamais votre ingrate famille. Frontin sort en riant. Scène XX Démocrite, seul. Je ne puis débrouiller tout ce galimatias, Et tout ceci me met dans un grand embarras. Scène XXI Démocrite, Crispin, déguisé en femme. Crispin N'est-ce pas vous, Monsieur, qu'on nomme Démocrite? Démocrite Crispin Vous êtes, dit-on, un homme de mérite; Et j'espère, Monsieur, de votre probité, Que vous écouterez mon infélicité Mais puis-je dans ces lieux me découvrir sans crainte? Démocrite Ne craignez rien. Crispin O ciel! sois touché de ma plainte! Vous me voyez, Monsieur, réduite au désespoir, Causé par un ingrat qui m'a su décevoir. Démocrite Dans un malheur si grand, pourrais-je quelque chose? Crispin Oui, Monsieur, vous allez en apprendre la cause Mais la force me manque, et, dans un tel récit, Mon coeur respire à peine, et ma douleur s'aigrit. Démocrite Calmez les mouvements dont votre âme agitée... Crispin Hélas! par les sanglots ma voix est arrêtée Mais enfin, il est temps d'avouer mon malheur. Daigne le juste ciel terminer ma douleur! J'aime depuis longtemps un Chevalier parjure, Qui sut de ses serments déguiser l'imposture, Le cruel! J'eus pitié de tous ses feints tourments. Hélas! de son bonheur je hâtai les moments. Je l'épousai, Monsieur mais notre mariage, A l'insu des parents, se fit dans un village; Et croyant avoir mis ma conscience en repos, Je me livrai, Monsieur. Pour comble de tous maux, Il différa toujours de m'avouer pour femme. Je répandis des pleurs pour attendrir son âme. Hélas! épargnez-moi ce triste souvenir, Et ne remédions qu'aux maux de l'avenir. Cet ingrat chevalier épouse votre fille. Démocrite Quoi! c'est celui qui veut entrer dans ma famille? Crispin Lui-même! vous voyez la noire trahison. Démocrite Cette action est noire. Crispin Hélas! c'est un fripon. Cet ingrat m'a séduite Ha Monsieur, quel dommage De tromper lâchement une fille à mon âge! Démocrite Il vient bien à propos, nous pourrons lui parler. Crispin veut s'en aller. Non, non, je vais sortir. Démocrite Pourquoi vous en aller? Crispin Ah! c'est un furieux. Démocrite Tenez-vous donc derrière; Il ne vous verra pas. Crispin J'ai peur. Démocrite Laissez-moi faire. Scène XXII Démocrite, Le Chevalier et Crispin, qui, pendant cette scène, fait tous les signes d'un homme qui veut s'en aller. Le Chevalier Quoique j'eus résolu de ne plus vous revoir Et que je dus partir de ces lieux dès ce soir, J'ai cru devoir encor rétracter ma parole, Résolu de ne point épouser une folle. Je suis fâché, Monsieur, de vous parler si franc; Mais vous méritez bien un pareil compliment, Puisque vous me trompiez, sans un avis fidèle. Votre fille est fort riche, elle est jeune, elle est belle; Mais les fréquents accès qui troublent son esprit Ne sont pas de mon goût. Démocrite Eh! qui vous l'a donc dit Qu'elle eût de ces accès? Le Chevalier J'ai promis de me taire. Celui de qui je tiens cet avis salutaire, Je le connais fort bien, et vous le connaissez. Cet homme est de chez vous, c'est vous en dire assez. Démocrite Cet homme a déjà fait une autre menterie C'est un nommé Crispin, insigne en fourberie; Je n'en sais que le nom, il n'est point de chez moi. Mais vous, n'avez-vous point engagé votre foi? Vous êtes interdit! que prétendiez-vous faire? Vous marier deux fois? Le Chevalier Quel est donc ce mystère? Démocrite Vous devriez rougir d'une telle action C'est du ciel s'attirer la malédiction. Et ne savez-vous pas que la polygamie Est ici cas pendable et qui coûte la vie? Le Chevalier Moi, je suis marié! qui vous fait ce rapport? Démocrite Oui, voilà mon auteur, regardez si j'ai tort. Le Chevalier Eh bien? Démocrite C'est votre femme. Le Chevalier Ah! le plaisant visage, Le ragoûtant objet que j'avais en partage! Mais je crois la connaÃtre. Ah parbleu! c'est Crispin, Lui-même. Démocrite, étonné. Ce fripon, cet insigne coquin? Le Chevalier Malheureux, tu m'as dit que Philine était folle, Réponds donc! Crispin Ah, Monsieur, j'ai perdu la parole. Démocrite Arrêtons ce maraud. Crispin Oui, je suis un fripon Ayez pitié de moi. Le Chevalier Mille coups de bâton, Fourbe, vont te payer. Scène XXIII Le Financier arrive; Démocrite, Crispin, Le Chevalier Le Financier Ma peine est inutile, Je crois que notre fourbe a regagné la ville, Je n'ai pu le trouver. Démocrite Regardez ce minois; Le reconnaissez-vous? Le Financier Eh! c'est Crispin, je crois. Démocrite C'est lui-même. Le Financier Voleur! Crispin, en tremblant. Ah! je suis prêt à rendre L'argent que j'ai reçu... vous me l'avez fait prendre. Démocrite, au financier. Qui m'aurait envoyé tantôt certain fripon? Il s'est dit financier, et prenait votre nom. Le Financier Le mien? Démocrite Oui, le coquin ne disait que sottises. Le Financier, à Crispin. N'était-ce pas de toi qu'il les avait apprises? Crispin Vous l'avez dit, oui, j'ai fait tout le mal; Mais à mon crime, hélas! mon regret est égal. Le Financier Ah! monsieur l'hypocrite! Scène XXIV Le Chevalier , Le Financier, Démocrite, Crispin, Ariste, suivi de MaÃtre Jacques Ariste Il faut nous en instruire. MaÃtre Jacques Pargué, ces biaux messieurs pourront bian nous le dire. Ariste Démocrite, Messieurs, est-il connu de vous? MaÃtre Jacques C'est que j'en savons un qui s'est moqué de nous. Velà , Monsieur, Ariste. Démocrite, avec précipitation. Ariste? MaÃtre Jacques Oui, lui-même. Démocrite Mais cela ne se peut, ma surprise est extrême. Ariste C'est cependant mon nom. MaÃtre Jacques J'étions venus tantôt Pour le voir mais j'avons trouvé queuque maraud, Qui disait comme ça qu'il était Démocrite. Mais le drôle a bian mal payé notre visite. Il avait avec lui queuque friponne itou, Qui tournait son esprit tout sens dessus dessous Alle faisait la folle, et se disait la fille De ce biau Démocrite; elle était bian habile. Enfin ils ont tant fait, qu'Ariste que velà , Qui venait pour les voir, les a tous plantés là . Or j'avons vu tantôt passer ce méchant drôle; J'ons tous deux en ce temps lâché quelque parole, Montrant ce Démocrite. "Hé bon! ce n'est pas li", A dit un paysan de ce village-ci. Dame! ça nous a fait sopçonner queuque chose. Monsieur, je sons trompé, j'en avons une dose, Ai-je dit, moi. Pargué! pour être plus certain, Je venons en tout ça savoir encor la fin. Ariste La chose est comme il dit. Démocrite C'est encor ton ouvrage, Dis, coquin? Crispin Il est vrai. MaÃtre Jacques Quel est donc ce visage? C'est notre homme! Démocrite, à Ariste. C'est lui, mais le fourbe a plus fait, Il m'a trompé de même, et vous a contrefait. Crispin Hélas! Démocrite Vous étiez trois qui demandiez ma fille; Et qui vouliez, Messieurs, entrer dans ma famille, Ma fille aimait déjà , elle avait fait son choix, Et refusait toujours d'épouser l'un des trois. Je vous ménageai tous, dans la douce espérance Avec un de vous trois d'entrer en alliance; J'ignore les raisons qui poussent ce coquin. Crispin Je vais tout avouer je m'appelle Crispin, Ecoutez-moi sans bruit, quatre mots font l'affaire. Démocrite frappe. Un laquais paraÃt qui fait venir Philine. Qu'on appelle ma fille. A tout ce beau mystère A-t-elle quelque part? Crispin Vous allez le savoir Ces trois messieurs devaient vous parler sur le soir, Et l'un des trois allait devenir votre gendre. Cléandre, au désespoir, voulait aller se pendre; Il aime votre fille, il en est fort aimé. Or, étant son valet, dans cette extrémité, Je m'offris sur le champ de détourner l'orage, Et Toinette avec moi joua son personnage. De tout ce qui s'est fait, enfin, je suis l'auteur; Mais je me repens bien d'être né trop bon coeur Sans cela... Démocrite Franc coquin! Et puis à sa fille qui entre. Vous voilà donc, ma fille! En fait de tours d'esprit, vous êtes fort habile, Mais votre habileté ne servira de rien Vous n'épouserez point un jeune homme sans bien. Déterminez-vous donc. Philine Mettez-vous à ma place, Mon père, et dites-moi ce qu'il faut que je fasse. Démocrite, à Crispin. Toi, sors d'ici, maraud, et ne parais jamais. Crispin, s'en allant. Je puis dire avoir vu le bâton de bien près. Il dit le vers suivant à Cléandre qui entre. Vous venez à propos quoi! vous osez paraÃtre! Scène XXV et dernière Démocrite, Cléandre, Philine, Toinette, Crispin, Le Chevalier, Le Financier, Ariste, MaÃtre Jacques. Cléandre De mon destin, Monsieur, je viens vous rendre maÃtre; Pardonnez aux effets d'un violent amour, Et vous-même dictez notre arrêt en ce jour. Je me suis, il est vrai, servi de stratagème; Mais que ne fait-on pas, pour avoir ce qu'on aime? On m'enlevait l'objet de mes plus tendres feux, Et, pour tout avouer, nous nous aimons tous deux. Vous connaissez, Monsieur, mon sort et ma famille; Mon procès est gagné, j'adore votre fille Prononcez, et s'il faut embrasser vos genoux... Ariste De vos liens, pour moi, je ne suis point jaloux. Le Chevalier A vos désirs aussi je suis prêt à souscrire Le Financier Je me dépars de tout, je ne puis pas plus dire. Philine Mon père, faites-moi grâce, et mon coeur est tout prêt S'il faut à mon amant renoncer pour jamais. Crispin Hélas! que de douceur! Toinette Monsieur, soyez sensible. Démocrite C'en est fait, et mon coeur cesse d'être inflexible. Levez-vous, finissez tous vos remerciements Je ne sépare plus de si tendres amants. Ces messieurs resteront pour la cérémonie. Soyez contents tous deux, votre peine est finie. Crispin, à Toinette. Finis la mienne aussi, marions-nous tous deux. Je suis pressé, Toinette. Toinette Es-tu bien amoureux? Crispin Ha! l'on ne vit jamais pareille impatience, Et l'amour dans mon coeur épuise sa puissance. Viens, ne retarde point l'instant de nos plaisirs Prends ce baiser pour gage, objet de mes désirs Un seul ne suffit pas. Toinette Quelle est donc ta folie? Que fais-tu? Crispin Je pelote en attendant partie. Cléandre Puisque vous vous aimez, je veux vous marier. Crispin Le veux-tu? Toinette J'y consens. Crispin Tu te fais bien prier! L'Amour et la vérité Dialogue entre l'Amour et la Vérité Comédie en trois actes et en prose Représentée pour la première fois par les comédiens italiens le 3 mars 1720 Dialogue entre l'Amour et la Vérité L'Amour. - Voici une dame que je prendrais pour la Vérité, si elle n'était si ajustée. La Vérité. - Si ce jeune enfant n'avait l'air un peu trop hardi, je le croirais l'Amour. L'Amour. - Elle me regarde. La Vérité. - Il m'examine. L'Amour. - Je soupçonne à peu près ce que ce peut être; mais soyons-en sûr. Madame, à ce que je vois, nous avons une curiosité mutuelle de savoir qui nous sommes; ne faisons point de façon de nous le dire. La Vérité. - J'y consens, et je commence. Ne seriez-vous pas le petit libertin d'Amour, qui depuis si longtemps tient ici-bas la place de l'Amour tendre? Enfin n'êtes-vous pas l'Amour à la mode? L'Amour. - Non, Madame, je ne suis ni libertin, ni par conséquent à la mode, et cependant je suis l'Amour. La Vérité. - Vous, l'Amour! L'Amour. - Oui, le voilà . Mais vous, Madame, ne tiendriez-vous pas lieu de la Vérité parmi les hommes? N'êtes-vous pas l'Erreur, ou la Flatterie? La Vérité. - Non, charmant Amour, je suis la Vérité même; je ne suis que cela. L'Amour. - Bon! Nous voilà deux divinités de grand crédit! Je vous demande pardon de vous avoir scandalisée, vous, dont l'honneur est de ne le pas être. La Vérité. - Ce reproche me fait rougir; mais je vous rendrai raison de l'équipage où vous me voyez, quand vous m'aurez rendu raison de l'air libertin et cavalier répandu sur vos habits et sur votre physionomie même. Qu'est devenu cet air de vivacité tendre et modeste? Que sont devenus ces yeux qui apprivoisaient la vertu même, qui ne demandaient que le coeur? Si ces yeux-là n'attendrissent point, ils débauchent. L'Amour. - Tels que vous les voyez cependant, ils ont déplu par leur sagesse; on leur en trouvait tant, qu'ils en étaient ridicules. La Vérité. - Et dans quel pays cela vous est-il arrivé? L'Amour. - Dans le pays du monde entier. Vous ne vous ressouvenez peut-être pas de l'origine de ce petit effronté d'Amour, pour qui vous m'avez pris. Hélas! C'est moi qui suis cause qu'il est né. La Vérité. - Comment cela? L'Amour. - J'eus querelle un jour avec l'Avarice et la Débauche. Vous avez combien j'ai d'aversion pour ces deux divinités; je leur donnai tant de marques de mépris, qu'elles résolurent de s'en venger. La Vérité. - Les méchantes! eh! que firent-elles? L'Amour. - Voici le tour qu'elles me jouèrent. La Débauche s'en alla chez Plutus, le dieu des richesses; le mit de bonne humeur, fit tomber la conversation sur Vénus, lui vanta ses beautés, sa blancheur, son embonpoint, etc. Plutus, à ce récit, prit un goût de conclusions, l'appétit vint au gourmand, il n'aima pas Vénus il la désira. La Vérité. - Le malhonnête. L'Amour. - Mais, comme il craignait d'être rebuté, la Débauche l'enhardit, en lui promettant son secours et celui de l'Avarice auprès de Vénus Vous êtes riche, lui dit-elle, ouvrez vos trésors à Vénus, tandis que mon amie l'Avarice appuiera vos offres auprès d'elle, et lui conseillera d'en profiter. Je vous aiderai de mon côté, moi. La Vérité. - Je commence à me remettre votre aventure. L'Amour. - Vous n'avez pas un grand génie, dit la Débauche à Plutus, mais vous êtes un gros garçon assez ragoûtant. Je ferai faire à Vénus une attention là -dessus, qui peut-être lui tiendra lieu de tendresse; vous serez magnifique, elle est femme. L'Avarice et moi, nous vous servirons bien, et il est des moments où il n'est pas besoin d'être aimé pour être heureux. La Vérité. - La plupart des amants doivent à ces moments-là toute leur fortune. L'Amour. - Après ce discours, Plutus impatient courut tenter l'aventure. Or, argent, bijoux, présents de toute sorte, soutenus de quelques bredouilleries, furent auprès de Vénus les truchements de sa belle passion. Que vous dirai-je enfin, ma chère? un moment de fragilité me donna pour frère ce vilain enfant qui m'usurpe aujourd'hui mon empire! ce petit dieu plus laid qu'un diable, et que Messieurs les hommes appellent Amour. La Vérité. - Hé bien! Est-ce en lui ressemblant que vous avez voulu vous venger de lui? L'Amour. - Laissez-moi achever; le petit fripon ne fut pas plutôt né, qu'il demanda son apanage. Cet apanage, c'était le droit d'agir sur les coeurs. Je ne daignai pas m'opposer à sa demande; je lui voyais des airs si grossiers, je lui remarquais un caractère si brutal, que je ne m'imaginai pas qu'il pût me nuire. Je comptais qu'il ferait peur en se présentant, et que ce monstre serait obligé de rabattre sur les animaux. La Vérité. - En effet, il n'était bon que pour eux. L'Amour. - Ses premiers coups d'essai ne furent pas heureux. Il insultait, bien loin de plaire; mais ma foi, le coeur de l'homme ne vaut pas grand'chose; ce maudit Amour fut insensiblement souffert; bientôt on le trouva plus badin que moi; moins gênant, moins formaliste, plus expéditif. Les goûts se partagèrent entre nous deux; il m'enleva de mes créatures. La Vérité. - Eh! que devÃntes-vous alors? L'Amour. - Quelques bonnes gens crièrent contre la corruption; mais ces bonnes gens n'étaient que des invalides, de vieux personnages, qui, disait-on, avaient leurs raisons pour haïr la réforme; gens à qui la lenteur de mes démarches convenait, et qui prêchaient le respect, faute, en le perdant, de pouvoir réparer l'injure. La Vérité. - Il en pouvait bien être quelque chose. L'Amour. - Enfin, Madame, ces tendres et tremblants aveux d'une passion, ces dépits délicats, ces transports d'amour d'après les plus innocentes faveurs, d'après mille petits riens précieux, tout cela disparut. L'un ouvrit sa bourse, l'autre gesticulait insolemment auprès d'une femme, et cela s'appelait une déclaration. La Vérité. - Ah! l'horreur! L'Amour. - A mon égard, j'ennuyais, je glaçais; on me regardait comme un innocent qui manquait d'expérience, et je ne fus plus célébré que par les poètes et les romanciers. La Vérité. - Cela vous rebuta? L'Amour. - Oui, je me retirai, ne laissant de moi que mon nom dont on abusait. Or, il y a quelque temps, que rêvant à ma triste aventure, il me vint dans l'esprit d'essayer si je pourrais me rétablir en mitigeant mon air tendre et modeste; peut-être, disais-je en moi-même, qu'à la faveur d'un air plus libre et plus hardi, plus conforme au goût où sont à présent les hommes, peut-être pourrais-je me glisser dans ces coeurs? ils ne me trouveront pas si singulier, et je détruirai mon ennemi par ses propres armes. Ce dessein pris, je partis, et je parus dans la mascarade où vous me voyez. La Vérité. - Je gage que vous n'y gagnâtes rien. L'Amour. - Ho vraiment! Je me trouvai bien loin de mon compte tout grenadier que je pensais être, dès que je me montrai, on me prit pour l'Amour le plus gothique qui ait jamais paru; je fus sifflé dans les Gaules comme une mauvaise comédie, et vous me voyez de retour de cette expédition. Voilà mon histoire. La Vérité. - Hélas! Je n'ai pas été plus heureuse que vous; on m'a chassée du monde. L'Amour. - Hé! qui? les chimistes, les devins, les faiseurs d'almanach, les philosophes? La Vérité. - Non, ces gens-là me m'ont jamais nui. On sait bien qu'ils mentent, ou qu'ils sont livrés à l'erreur, et je ne leur en veux aucun mal, car je ne suis point faite pour eux. L'Amour. - Vous avez raison. La Vérité. - Mais, que voulez-vous que les hommes fassent de moi? Le mensonge et la flatterie sont en si grand crédit parmi eux, qu'on est perdu dès qu'on se pique de m'honorer. Je ne suis bonne qu'à ruiner ceux qui me sont fidèles; par exemple, la flatterie rajeunit les vieux et les vieilles. Moi, je leur donne l'âge qu'ils ont. Cette femme dont les cheveux blanchissent à son insu, singe maladroit de l'étourderie folâtre des jeunes femmes, qui provoque la médisance par des galanteries qu'elle ne peut faire aboutir, qui se lève avec un visage de cinquante ans, et qui voudrait que ce visage n'en eût que trente, quand elle est ajustée, ira-t-on lui dire Madame, vous vous trompez dans votre calcul; votre somme est de vingt ans plus forte? non, sans doute; ses amis souscrivent à la soustraction. Telle a la physionomie d'une guenon, qui se croit du moins jolie; irez-vous mériter sa haine, en lui confiant à quoi elle ressemble pendant que, pour être un honnête homme auprès d'elle, il suffit de lui dire qu'elle est piquante? Cet homme s'imagine être un esprit supérieur; il se croit indispensablement obligé d'avoir raison partout; il décide, il redresse les autres; cependant ce n'est qu'un brouillon qui jouit d'une imagination déréglée. Ses amis feignent de l'admirer; pourquoi? Ils en attendent, ou lui doivent, leur fortune. L'Amour. - Il faut bien prendre patience. La Vérité. - Ainsi je n'ai plus que faire au monde. Cependant, comme la Flatterie est ma plus redoutable ennemie, et qu'en triomphant d'elle, je pourrais insensiblement rentrer dans tous mes honneurs, j'ai voulu m'humaniser je me suis déguisée, comme vous voyez, mais j'ai perdu mon étalage l'amour-propre des hommes est devenu d'une complexion si délicate, qu'il n'y a pas moyen de traiter avec lui; il a fallu m'en revenir encore. Pour vous, mon bel enfant, il me semble que vous aviez un asile et le mariage. L'Amour. - Le mariage! Y songez-vous? Ne savez-vous pas que le devoir des gens mariés est de s'aimer? La Vérité. - Hé bien! c'est à cause de cela que vous régnerez plus aisément parmi eux. L'Amour. - Soit; mais des gens obligés de s'aimer ne me conviennent point. Belle occupation pour un espiègle comme moi, que de faire les volontés d'un contrat; achevons de nous conter tout. Que venez-vous faire ici? La Vérité. - J'y viens exécuter un projet de vengeance; voyez-vous ce puits? Voilà le lieu de ma retraite; je vais m'enfermer dedans. L'Amour. - Ah! Ah! Le proverbe sera donc vrai, qui dit que la Vérité est au fond du puits. Et comment entendez-vous vous venger, là ? La Vérité. - Le voici. L'eau de ce puits va, par moi, recevoir une telle vertu, que quiconque en boira sera forcé de dire tout ce qu'il pense et de découvrir son coeur en toute occasion; nous sommes près de Rome, on vient souvent se promener ici; on y chasse; le chasseur se désaltère; et à succession de temps, je garnirai cette grande ville de gens naïfs, qui troubleront par leur franchise le commerce indigne de complaisance et de tromperie que la Flatterie y a introduit plus qu'ailleurs. L'Amour. - Nous allons donc être voisins; car, pendant que votre rancune s'exercera dans ce puits, la mienne agira dans cet arbre. Je vais y entrer; les fruits en sont beaux et bons, et me serviront à une petite malice qui sera tout à fait plaisante. Celui qui en mangera tombera subitement amoureux du premier objet qu'il apercevra. Que dites-vous de ce guet-apens? La Vérité. - Il est un peu fou. L'Amour. - Bon, il est digne de vous; mais adieu, je vais dans mon arbre. La Vérité. - Et moi, dans mon puits. Divertissement Ier air gracieusement. D'un doux regard elle vous jure Que vous êtes son favori, Mais c'est peut-être une imposture Puisqu'en faveur d'un autre elle a déjà souri. 2e air bourrée. Dans le même instant que son âme Dédaigneuse d'une autre flamme Semble se déclarer pour vous, Le motif de la préférence Empoisonne la jouissance D'un bien qui paraissait si doux. La coquette ne vous caresse Que pour alarmer la paresse D'un rival qui n'est point jaloux. 3e air menuet. L'amant trahi par ce qu'il aime Veut-il guérir presque en un jour? Qu'il aime ailleurs; l'amour lui-même Est le remède de l'amour. 4e air piqué. Vous qui croyez d'une inhumaine Ne vaincre jamais la rigueur, Pressez, la victoire est certaine, Vous ne connaissez pas son coeur; Il prend un masque qui le gêne; Son visage, c'est la douceur. 5e air gracieusement. Heureux, l'amant bien enflammé. Celui qui n'a jamais aimé Ne vit pas ou du moins l'ignore; Sans le plaisir d'être charmé D'un aimable objet qu'on adore S'apercevrait-on d'être né? 6e air piqué. Tel qui devant nous nous admire, S'en rit peut-être à quatre pas. Quand à son tour il nous fait rire C'est un secret qu'il ne sait pas; Oh! l'utile et charmante ruse Qui nous unit tous ici-bas; Qui de nous croit en pareil cas Etre la dupe qu'on abuse? 7e air gracieusement La raison veut que la sagesse Ait un empire sur l'amour; O vous, amants, dont la tendresse Nous attaque cent fois le jour, Quand il nous prend une faiblesse Ne pouvez-vous à votre tour Avoir un instant de sagesse? Arlequin désenchanté par la Raison chante le couplet suivant J'aimais Arlequin et ma foi, Je crois ma guérison complète; Mais, Messieurs, entre nous, j'en vois Qui peut-être, aussi bien que moi, Ont besoin d'un coup de baguette. Arlequin poli par l'Amour Acteurs de la comédie Comédie en un acte, en prose, Représentée pour la première fois par les comédiens italiens, le 17 octobre 1720 Acteurs de la comédie La Fée. Trivelin, domestique de la Fée. Arlequin, jeune homme enlevé par la Fée. Silvia, bergère, amante d'Arlequin. Un berger, amoureux de Silvia. Autre bergère, cousine de Silvia. Troupe de danseurs et chanteurs. Troupe de lutins. Scène première La Fée, Trivelin Le jardin de la Fée est représenté. Trivelin, à la Fée qui soupire. - Vous soupirez, Madame, et malheureusement pour vous, vous risquez de soupirer longtemps si votre raison n'y met ordre; me permettrez-vous de vous dire ici mon petit sentiment? La Fée. - Parle. Trivelin. - Le jeune homme que vous avez enlevé à ses parents est un beau brun, bien fait; c'est la figure la plus charmante du monde; il dormait dans un bois quand vous le vÃtes, et c'était assurément voir l'Amour endormi; je ne suis donc point surpris du penchant subit qui vous a pris pour lui. La Fée. - Est-il rien de plus naturel que d'aimer ce qui est aimable? Trivelin. - Oh sans doute; cependant avant cette aventure, vous aimiez assez le grand enchanteur Merlin. La Fée. - Eh bien, l'un me fait oublier l'autre cela est encore fort naturel. Trivelin. - C'est la pure nature; mais il reste une petite observation à faire c'est que vous enlevez le jeune homme endormi, quand peu de jours après vous allez épouser le même Merlin qui en a votre parole. Oh! cela devient sérieux; et entre nous, c'est prendre la nature un peu trop à la lettre; cependant passe encore; le pis qu'il en pouvait arriver, c'était d'être infidèle; cela serait très vilain dans un homme, mais dans une femme, cela est plus supportable quand une femme est fidèle, on l'admire; mais il y a des femmes modestes qui n'ont pas la vanité de vouloir être admirées; vous êtes de celles-là , moins de gloire, et plus de plaisir, à la bonne heure. La Fée. - De la gloire à la place où je suis, je serais une grande dupe de me gêner pour si peu de chose. Trivelin. - C'est bien dit, poursuivons vous portez le jeune homme endormi dans votre palais, et vous voilà à guetter le moment de son réveil; vous êtes en habit de conquête, et dans un attirail digne du mépris généreux que vous avez pour la gloire, vous vous attendiez de la part du beau garçon à la surprise la plus amoureuse; il s'éveille, et vous salue du regard le plus imbécile que jamais nigaud ait porté vous vous approchez, il bâille deux ou trois fois de toutes ses forces, s'allonge, se retourne et se rendort voilà l'histoire curieuse d'un réveil qui promettait une scène si intéressante. Vous sortez en soupirant de dépit, et peut-être chassée par un ronflement de basse-taille, aussi nourri qu'il en soit; une heure se passe, il se réveille encore, et ne voyant personne auprès de lui, il crie Eh! A ce cri galant, vous rentrez; l'Amour se frottait les yeux Que voulez-vous, beau jeune homme, lui dites-vous? Je veux goûter, moi, répond-il. Mais n'êtes-vous point surpris de me voir, ajoutez-vous? Eh! mais oui, repart-il. Depuis quinze jours qu'il est ici, sa conversation a toujours été de la même force; cependant vous l'aimez, et qui pis est, vous laissez penser à Merlin qu'il va vous épouser, et votre dessein, m'avez-vous dit, est, s'il est possible, d'épouser le jeune homme; franchement, si vous les prenez tous deux, suivant toutes les règles, le second mari doit gâter le premier. La Fée. - Je vais te répondre en deux mots la figure du jeune homme en question m'enchante; j'ignorais qu'il eût si peu d'esprit quand je l'ai enlevé. Pour moi, sa bêtise ne me rebute point j'aime, avec les grâces qu'il a déjà , celles que lui prêtera l'esprit quand il en aura. Quelle volupté de voir un homme aussi charmant me dire à mes pieds Je vous aime! Il est déjà le plus beau brun du monde mais sa bouche, ses yeux, tous ses traits seront adorables, quand un peu d'amour les aura retouchés; mes soins réussiront peut-être à lui en inspirer. Souvent il me regarde; et tous les jours je touche au moment où il peut me sentir et se sentir lui-même si cela lui arrive, sur-le-champ j'en fais mon mari; cette qualité le mettra alors à l'abri des fureurs de Merlin; mais avant cela, je n'ose mécontenter cet enchanteur, aussi puissant que moi, et avec qui je différerai le plus longtemps que je pourrai. Trivelin. - Mais si le jeune homme n'est jamais, ni plus amoureux, ni plus spirituel, si l'éducation que vous tâchez de lui donner ne réussit pas, vous épouserez donc Merlin? La Fée. - Non; car en l'épousant même je ne pourrais me déterminer à perdre de vue l'autre et si jamais il venait à m'aimer, toute mariée que je serais, je veux bien te l'avouer, je ne me fierais pas à moi. Trivelin. - Oh je m'en serais bien douté, sans que vous me l'eussiez dit Femme tentée, et femme vaincue, c'est tout un. Mais je vois notre bel imbécile qui vient avec son maÃtre à danser. Scène II Arlequin entre, la tête dans l'estomac, ou de la façon niaise dont il voudra, son maÃtre à danser, la Fée, Trivelin La Fée. - Eh bien, aimable enfant, vous me paraissez triste y a-t-il quelque chose ici qui vous déplaise? Arlequin. - Moi, je n'en sais rien. Trivelin rit. La Fée, à Trivelin. - Oh! je vous prie, ne riez pas, cela me fait injure, je l'aime, cela vous suffit pour le respecter. Pendant ce temps Arlequin prend des mouches, la Fée continuant à parler à Arlequin. Voulez-vous bien prendre votre leçon, mon cher enfant? Arlequin, comme n'ayant pas entendu. - Hem. La Fée. - Voulez-vous prendre votre leçon, pour l'amour de moi? Arlequin. - Non. La Fée. - Quoi! vous me refusez si peu de chose, à moi qui vous aime? Alors Arlequin lui voit une grosse bague au doigt, il lui va prendre la main, regarde la bague, et lève la tête en se mettant à rire niaisement. La Fée. - Voulez-vous que je vous la donne? Arlequin. - Oui-dà . La Fée tire la bague de son doigt, et lui présente. Comme il la prend grossièrement, elle lui dit. - Mon cher Arlequin, un beau garçon comme vous, quand une dame lui présente quelque chose, doit baiser la main en le recevant. Arlequin alors prend goulûment la main de la Fée qu'il baise. La Fée dit. - Il ne m'entend pas, mais du moins sa méprise m'a fait plaisir. Elle ajoute Baisez la vôtre à présent. Arlequin alors baise le dessus de sa main; la Fée soupire, et lui donnant sa bague, lui dit La voilà , en revanche, recevez votre leçon. Alors le maÃtre à danser apprend à Arlequin à faire la révérence. Arlequin égaie cette scène de tout ce que son génie peut lui fournir de propre au sujet. Arlequin. - Je m'ennuie. La Fée. - En voilà donc assez nous allons tâcher de vous divertir. Arlequin alors saute de joie du divertissement proposé, et dit en riant. - Divertir, divertir. Scène III La Fée, Arlequin, Trivelin Une troupe de chanteurs et danseurs. La Fée fait asseoir Arlequin alors auprès d'elle sur un banc de gazon qui sera auprès de la grille du théâtre. Pendant qu'on danse, Arlequin siffle. Un Chanteur, à Arlequin. Beau brunet, l'Amour vous appelle. Arlequin, à ce vers, se lève niaisement et dit. - Je ne l'entends pas, où est-il? Il l'appelle Hé! hé! Le Chanteur continue. Beau brunet, l'Amour vous appelle. Arlequin, en se rasseyant, dit. - Qu'il crie donc plus haut. Le Chanteur continue en lui montrant la Fée. Voyez-vous cet objet charmant, Ces yeux dont l'ardeur étincelle, Vous répètent à tout moment Beau brunet, l'Amour vous appelle. Arlequin, alors en regardant les yeux de la Fée, dit. - Dame, cela est drôle! Une Chanteuse bergère vient, et dit à Arlequin. Aimez, aimez, rien n'est si doux. Arlequin, là -dessus, répond. - Apprenez, apprenez-moi cela. La Chanteuse continue en le regardant. Ah! que je plains votre ignorance. Quel bonheur pour moi, quand j'y pense, Elle montre le chanteur. Qu'Atys en sache plus que vous! La Fée, alors en se levant, dit à Arlequin. - Cher Arlequin, ces tendres chansons ne vous inspirent-elles rien? Que sentez-vous? Arlequin. - Je sens un grand appétit. Trivelin. - C'est-à -dire qu'il soupire après sa collation; mais voici un paysan qui veut vous donner le plaisir d'une danse de village, après quoi nous irons manger. Un paysan danse. La Fée se rassied, et fait asseoir Arlequin qui s'endort. Quand la danse finit, la Fée le tire par le bras, et lui dit en se levant. - Vous vous endormez, que faut-il donc faire pour vous amuser? Arlequin, en se réveillant, pleure. - Hi, hi, hi, mon père, eh! je ne vois point ma mère! La Fée, à Trivelin. - Emmenez-le, il se distraira peut-être, en mangeant, du chagrin qui le prend; je sors d'ici pour quelques moments; quand il aura fait collation, laissez-le se promener où il voudra. Ils sortent tous. Scène IV Silvia, Le Berger La scène change et représente au loin quelques moutons qui paissent. Silvia entre sur la scène en habit de bergère, une houlette à la main, un berger la suit. Le Vous me fuyez, belle Silvia? Silvia. - Que voulez-vous que je fasse, vous m'entretenez d'une chose qui m'ennuie, vous me parlez toujours d'amour. Le Berger. - Je vous parle de ce que je sens. Silvia. - Oui, mais je ne sens rien, moi. Le Berger. - Voilà ce qui me désespère. Silvia. - Ce n'est pas ma faute, je sais bien que toutes nos bergères ont chacune un berger qui ne les quitte point; elles me disent qu'elles aiment, qu'elles soupirent; elles y trouvent leur plaisir. Pour moi, je suis bien malheureuse depuis que vous dites que vous soupirez pour moi, j'ai fait ce que j'ai pu pour soupirer aussi, car j'aimerais autant qu'une autre à être bien aise; s'il y avait quelque secret pour cela, tenez, je vous rendrais heureux tout d'un coup, car je suis naturellement bonne. Le Berger. - Hélas! pour de secret, je n'en sais point d'autre que celui de vous aimer moi-même. Silvia. - Apparemment que ce secret-là ne vaut rien; car je ne vous aime point encore, et j'en suis bien fâchée; comment avez-vous fait pour m'aimer, vous? Le Berger. - Moi, je vous ai vue voilà tout. Silvia. - Voyez quelle différence; et moi, plus je vous vois et moins je vous aime. N'importe, allez, allez, cela viendra peut-être, mais ne me gênez point. Par exemple, à présent, je vous haïrais si vous restiez ici. Le Berger. - Je me retirerai donc, puisque c'est vous plaire, mais pour me consoler, donnez-moi votre main, que je la baise. Silvia. - Oh non! on dit que c'est une faveur, et qu'il n'est pas honnête d'en faire, et cela est vrai, car je sais bien que les bergères se cachent de cela. Le Berger. - Personne ne nous voit. Silvia. - Oui; mais puisque c'est une faute, je ne veux point la faire qu'elle ne me donne du plaisir comme aux autres. Le Berger. - Adieu donc, belle Silvia, songez quelquefois à moi. Silvia. - Oui, oui. Scène V Silvia, Arlequin, mais il ne vient qu'un moment après que Silvia a été seule. Silvia. - Que ce berger me déplaÃt avec son amour! Toutes les fois qu'il me parle, je suis toute de méchante humeur. Et puis voyant Arlequin. Mais qui est-ce qui vient là ? Ah mon Dieu le beau garçon! Arlequin entre en jouant au volant, il vient de cette façon jusqu'aux pieds de Silvia, là il laisse en jouant tomber le volant, et, en se baissant pour le ramasser, il voit Silvia; il demeure étonné et courbé; petit à petit et par secousses il se redresse le corps quand il s'est entièrement redressé, il la regarde, elle, honteuse, feint de se retirer dans son embarras, il l'arrête, et dit. - Vous êtes bien pressée? Silvia. - Je me retire, car je ne vous connais pas. Arlequin. - Vous ne me connaissez pas? tant pis; faisons connaissance, voulez-vous? Silvia, encore honteuse. - Je le veux bien. Arlequin, alors s'approche d'elle et lui marque sa joie par de petits ris, et dit. - Que vous êtes jolie! Silvia. - Vous êtes bien obligeant. Arlequin. - Oh point, je dis la vérité. Silvia, en riant un peu à son tour. - Vous êtes bien joli aussi, vous. Arlequin. - Tant mieux où demeurez-vous? je vous irai voir. Silvia. - Je demeure tout près; mais il ne faut pas venir; il vaut mieux nous voir toujours ici, parce qu'il y a un berger qui m'aime; il serait jaloux, et il nous suivrait. Arlequin. - Ce berger-là vous aime? Silvia. - Oui. Arlequin. - Voyez donc cet impertinent! je ne le veux pas, moi. Est-ce que vous l'aimez, vous? Silvia. - Non, je n'en ai jamais pu venir à bout. Arlequin. - C'est bien fait, il faut n'aimer personne que nous deux; voyez si vous le pouvez? Silvia. - Oh! de reste, je ne trouve rien de si aisé. Arlequin. - Tout de bon? Silvia. - Oh! je ne mens jamais, mais où demeurez-vous aussi? Arlequin, lui montrant du doigt. - Dans cette grande maison. Silvia. - Quoi! chez la fée? Arlequin. - Oui. Silvia, tristement. - J'ai toujours eu du malheur. Arlequin, tristement aussi. - Qu'est-ce que vous avez, ma chère amie? Silvia. - C'est que cette fée est plus belle que moi, et j'ai peur que notre amitié ne tienne pas. Arlequin, impatiemment. - J'aimerais mieux mourir. Et puis tendrement. Allez, ne vous affligez pas, mon petit coeur. Silvia. - Vous m'aimerez donc toujours? Arlequin. - Tant que je serai en vie. Silvia. - Ce serait bien dommage de me tromper, car je suis si simple. Mais mes moutons s'écartent, on me gronderait s'il s'en perdait quelqu'un il faut que je m'en aille. Quand reviendrez-vous? Arlequin, avec chagrin. - Oh! que ces moutons me fâchent! Silvia. - Et moi aussi, mais que faire? Serez-vous ici sur le soir? Arlequin. - Sans faute. En disant cela il lui prend la main et il ajoute Oh les jolis petits doigts! Il lui baise la main et dit Je n'ai jamais eu de bonbon si bon que cela. Silvia rit et dit. - Adieu donc. Et puis à part. Voilà que je soupire, et je n'ai point eu de secret pour cela. Elle laisse tomber son mouchoir en s'en allant. Arlequin le ramasse et la rappelle pour lui donner. Arlequin. - Mon amie! Silvia. - Que voulez-vous, mon amant?. Et puis voyant son mouchoir entre les mains d'Arlequin. Ah! c'est mon mouchoir, donnez. Arlequin le tend, et puis retire la main; il hésite, et enfin il le garde, et dit - Non, je veux le garder, il me tiendra compagnie qu'est-ce que vous en faites? Silvia. - Je me lave quelquefois le visage, et je m'essuie avec. Arlequin, en le déployant. - Et par où vous sert-il, afin que je le baise par là ? Silvia, en s'en allant. - Partout, mais j'ai hâte, je ne vois plus mes moutons; adieu, jusqu'à tantôt. Arlequin la salue en faisant des singeries, et se retire aussi. Scène VI La fée, Trivelin La scène change, et représente le jardin de la Fée. La Fée. - Eh bien! notre jeune homme, a-t-il goûté? Trivelin. - Oui, goûté comme quatre il excelle en fait d'appétit. La Fée. - Où est-il à présent? Trivelin. - Je crois qu'il joue au volant dans les prairies; mais j'ai une nouvelle à vous apprendre. La Fée. - Quoi, qu'est-ce que c'est? Trivelin. - Merlin est venu pour vous voir. La Fée. - Je suis ravie de ne m'y être point rencontrée; car c'est une grande peine que de feindre de l'amour pour qui l'on n'en sent plus. Trivelin. - En vérité, Madame, c'est bien dommage que ce petit innocent l'ait chassé de votre coeur! Merlin est au comble de la joie, il croit vous épouser incessamment. Imagines-tu quelque chose d'aussi beau qu'elle? me disait-il tantôt, en regardant votre portrait. Ah! Trivelin, que de plaisirs m'attendent! Mais je vois bien que de ces plaisirs-là il n'en tâtera qu'en idée, et cela est d'une triste ressource, quand on s'en est promis la belle et bonne réalité. Il reviendra, comment vous tirerez-vous d'affaire avec lui? La Fée. - Jusqu'ici je n'ai point encore d'autre parti à prendre que de le tromper. Trivelin. - Eh! n'en sentez-vous pas quelque remords de conscience? La Fée. - Oh! j'ai bien d'autres choses en tête, qu'à m'amuser à consulter ma conscience sur une bagatelle. Trivelin, à part. - Voilà ce qui s'appelle un coeur de femme complet. La Fée. - Je m'ennuie de ne point voir Arlequin; je vais le chercher; mais le voilà qui vient à nous qu'en dis-tu, Trivelin? il me semble qu'il se tient mieux qu'à l'ordinaire? Scène VII La Fée, Trivelin, Arlequin Arlequin arrive tenant en main le mouchoir de Silvia qu'il regarde, et dont il se frotte tout doucement le visage. La Fée, continuant de parler à Trivelin. - Je suis curieuse de voir ce qu'il fera tout seul, mets-toi à côté de moi, je vais tourner mon anneau qui nous rendra invisibles. Arlequin arrive au bord du théâtre, et il saute en tenant le mouchoir de Silvia, il le met dans son sein, il se couche et se roule dessus; et tout cela gaiement. La Fée, à Trivelin. - Qu'est-ce que cela veut dire? Cela me paraÃt singulier. Où a-t-il pris ce mouchoir? Ne serait-ce pas un des miens qu'il aurait trouvé? Ah! si cela était, Trivelin, toutes ces postures-là seraient peut-être de bon augure. Trivelin. - Je gagerais moi que c'est un linge qui sent le musc. La Fée. - Oh non! Je veux lui parler, mais éloignons-nous un peu pour feindre que nous arrivons. Elle s'éloigne de quelques pas, pendant qu'Arlequin se promène en long en chantant Ter li ta ta li ta. La Fée. - Bonjour, Arlequin. Arlequin, en tirant le pied, et mettant le mouchoir sous son bras. - Je suis votre très humble serviteur. La Fée, à part à Trivelin. - Comment! voilà des manières! il ne m'en a jamais tant dit depuis qu'il est ici. Arlequin, à la Fée. - Madame, voulez-vous avoir la bonté de vouloir bien me dire comment on est quand on aime bien une personne? La Fée, charmée à Trivelin. - Trivelin, entends-tu? Et puis à Arlequin. Quand on aime, mon cher enfant, on souhaite toujours de voir les gens, on ne peut se séparer d'eux, on les perd de vue avec chagrin enfin on sent des transports, des impatiences et souvent des désirs. Arlequin, en sautant d'aise et comme à part. - M'y voilà . La Fée. - Est-ce que vous sentez tout ce que je dis là ? Arlequin, d'un air indifférent. - Non, c'est une curiosité que j'ai. Trivelin. - Il jase vraiment! La Fée. - Il jase, il est vrai, mais sa réponse ne me plaÃt pas mon cher Arlequin, ce n'est donc pas de moi que vous parlez? Arlequin. - Oh! je ne suis pas un niais, je ne dis pas ce que je pense. La Fée, avec feu, et d'un ton brusque. - Qu'est-ce que cela signifie? Où avez-vous pris ce mouchoir? Arlequin, la regardant avec crainte. - Je l'ai pris à terre. La Fée. - A qui est-il? Arlequin. - Il est à ... Et puis s'arrêtant. Je n'en sais rien. La Fée. - Il y a quelque mystère désolant là -dessous! Donnez-moi ce mouchoir! Elle lui arrache, et après l'avoir regardé avec chagrin, et à part. Il n'est pas à moi et il le baisait; n'importe, cachons-lui mes soupçons, et ne l'intimidons pas; car il ne me découvrirait rien. Arlequin, alors va, le chapeau bas et humblement, lui redemander le mouchoir. - Ayez la charité de me rendre le mouchoir. La Fée, en soupirant en secret. - Tenez, Arlequin, je ne veux pas vous l'ôter, puisqu'il vous fait plaisir. Arlequin en le recevant baise la main, la salue, et s'en va. La Fée, le regardant. - Vous me quittez; où allez-vous? Arlequin. - Dormir sous un arbre. La Fée, doucement. - Allez, allez. Scène VIII La Fée, Trivelin La Fée. - Ah! Trivelin, je suis perdue. Trivelin. - Je vous avoue, Madame, que voici une aventure où je ne comprends rien, que serait-il donc arrivé à ce petit peste-là ? La Fée, au désespoir et avec feu. - Il a de l'esprit, Trivelin, il en a, et je n'en suis pas mieux, je suis plus folle que jamais. Ah! quel coup pour moi, que le petit ingrat vient de me paraÃtre aimable! As-tu vu comme il est changé? As-tu remarqué de quel air il me parlait? combien sa physionomie était devenue fine? Et ce n'est pas de moi qu'il tient toutes ces grâces-là ! Il a déjà de la délicatesse de sentiment, il s'est retenu, il n'ose me dire à qui appartient le mouchoir, il devine que j'en serais jalouse; ah! qu'il faut qu'il ait pris d'amour pour avoir déjà tant d'esprit! Que je suis malheureuse! Une autre lui entendra dire ce je vous aime que j'ai tant désiré, et je sens qu'il méritera d'être adoré; je suis au désespoir. Sortons, Trivelin; il s'agit ici de découvrir ma rivale, je vais le suivre et parcourir tous les lieux où ils pourront se voir. Cherche de ton côté, va vite, je me meurs. Scène IX Silvia, une de ses cousines La scène change et représente une prairie où de loin paissent des moutons. Silvia. - Arrête-toi un moment, ma cousine; je t'aurai bientôt conté mon histoire, et tu me donneras quelque avis. Tiens, j'étais ici quand il est venu; dès qu'il s'est approché, le coeur m'a dit que je l'aimais; cela est admirable! Il s'est approché aussi, il m'a parlé; sais-tu ce qu'il m'a dit? Qu'il m'aimait aussi. J'étais plus contente que si on m'avait donné tous les moutons du hameau vraiment je ne m'étonne pas si toutes nos bergères sont si aises d'aimer; je voudrais n'avoir fait que cela depuis que je suis au monde, tant je le trouve charmant; mais ce n'est pas tout, il doit revenir ici bientôt; il m'a déjà baisé la main, et je vois bien qu'il voudra me la baiser encore. Donne-moi conseil, toi qui as eu tant d'amants; dois-je le laisser faire? La Cousine. - Garde-t'en bien, ma cousine, sois bien sévère, cela entretient l'amour d'un amant. Silvia. - Quoi, il n'y a point de moyen plus aisé que cela pour l'entretenir? La Cousine. - Non; il ne faut point aussi lui dire tant que tu l'aimes. Silvia. - Eh! comment s'en empêcher? Je suis encore trop jeune pour pouvoir me gêner. La Cousine. - Fais comme tu pourras, mais on m'attend, je ne puis rester plus longtemps, adieu, ma cousine. Scène X Silvia, un moment après. - Que je suis inquiète! j'aimerais autant ne point aimer que d'être obligée d'être sévère; cependant elle dit que cela entretient l'amour, voilà qui est étrange; on devrait bien changer une manière si incommode; ceux qui l'on inventée n'aimaient pas tant que moi. Scène XI Silvia, Arlequin Arlequin arrive. Silvia, en le voyant. - Voici mon amant; que j'aurai de peine à me retenir! Dès qu'Arlequin l'aperçoit, il vient à elle en sautant de joie; il lui fait des caresses avec son chapeau, auquel il a attaché le mouchoir, il
besoin de toi envie de rien parole